“Bernard Arnault gagne en 1h ce qu’une majorité ne gagne pas au cours de sa vie“, s’indigne Besancenot sur BFM TV. Le capitalisme a mauvaise presse et la quatrième fortune mondiale (selon le classement Forbes) est trop riche pour plaire. Revisitons ensemble la vie du richissime Bernard Arnault, le PDG du luxueux LVMH.
Enfance de Bernard Arnault
La première chose qu’il faut savoir, c’est que Bernard Arnault a été élevé par sa grand-mère qui lui enseigna la seule leçon que l’âge apprend aux humains : la parcimonie. Il garda donc de cette enfance un prérequis précieux qui l’aidera à devenir le richissime qu’il est devenu : l’art de gérer avec sagesse ses ressources financières. Pour lui enseigner l’économie, sa grand-mère l’a elle-même apprise auprès de son époux Etienne Savinel, qui avait créé la société Ferret-Savinel. C’était une société de BTP dans laquelle travaillait Jean Arnault en qualité de directeur. Jean Arnault épouse la fille d’Etienne Savinel le 12 avril 1947. Le 5 mars 1949, Bernard naît. Ses parents vivent avenue Loui-Pluquet dans une maison non loin du parc Barbieux. Bernard a une sœur, Dominique, qui exercera le métier de commissaire-priseur puis prendra la direction de Fred Joaillier. Elle épousera Marc Watine.
Bernard Arnault suit les cours secondaires au lycée roubaisien Maxence Van der Meersch. Il fait les classes préparatoires à Lille, au lycée Faidherbe. En 1969, il entre en polytechnique et en sort deux ans plus tard, nanti de son diplôme et va rejoindre son père dans l’entreprise familiale. Très tôt son génie et son flair pour les affaires se manifestent. Il conseille à son père de céder ses activités BTP pour 40 millions de francs et de s’orienter vers l’immobilier. La nouvelle société qui naîtra ainsi portera un nouveau nom : Férinel. La société est alors consacrée aux appartements de tourisme. Le slogan est d’ailleurs très évocateur : « Férinel, propriétaire à la mer ». En 1974, il est directeur de la construction au sein de la société. Trois ans plus tard, il est le directeur général et l’année suivante il prend la tête de la Férinel.
Ses débuts dans le monde des affaires
En 1981, il quitte la France, s’installe aux États-Unis où il fonde Ferinel Inc. Quant à Férinel, la Générale des Eaux la rachète en 1995. Elle prend le nom de Nexity.
À 35 ans, il pose le geste le plus audacieux qu’on puisse se permettre en affaires : il investit la quasi-totalité de sa fortune familiale (90 millions de francs) dans le rachat de la Financière Agache. Il sollicite pour cela l’aide de la Banque Lazard. Prendre la tête de Financière Agache signifie posséder le groupe Boussac spécialisé dans le textile. Plusieurs entreprises étaient rattachées ce groupe, notamment Christian Dior, à l’exception des parfums qui ont été détachés du groupe depuis les années 1970. Le groupe Boussac possédait aussi l’enseigne de distribution Conforama, le magasin Le Bon Marché et Peaudouce, la société de fabrication de couches.
Ce rachat était un investissement risqué parce que l’ensemble du secteur textile était en difficulté et aucun investisseur n’osait y injecter le moindre centime. C’est d’ailleurs pourquoi l’État accordera en 1982 et 1985 des subventions plus ou moins importantes au Groupe Boussac (999,9 millions de francs). Cependant ces aides attireront la furie de la Commission européenne pour qui elles faussent la concurrence avec les autres entreprises de la communauté européenne. Bernard Arnault a été contraint à rembourser 338, 56 millions de francs.
En dépit de l’aide (et peut-être même à cause de l’aide) et de la polémique qu’elle entraîne, les activités textiles du groupe ne sont toujours pas florissantes. Arnault prend une décision radicale : il cède le textile à son concurrent, PPR qui détient les marques comme Yves Saint-Laurent, Gucci. En revanche, l’homme d’affaires fait un apport personnel de 40 millions de francs, ce qui lui donne contrôle complet du groupe Boussac. En 1987 déjà, le groupe pesait 8 milliards en bourse.
La construction de l’empire LVHM
Il consolide le Holding Christian Dior SA et réunit en son sein la parfumerie et la couture sous la même bannière commerciale. Puisque les Parfums Christian appartenaient à Moët-Hennessy, on peut dire qu’une partie de Moët-Hennessy venait de rentrer dans le Holding Christian Dior. Le groupe crée un parfum féminin à succès, le « J’adore », qui sera en tête de vente en 2013 et demeurera le second parfum le plus prisé pendant les deux années suivantes. Mais le mythique LVMH n’était pas encore né. Il naîtra d’ailleurs en dehors de toute intervention de Bernard Arnault.
La fusion se fait le 3 juin 1987, unissant deux géants groupes de luxe, Moët-Hennessy et Louis Vuitton. Tous les grands noms et grandes enseignes du luxe sont réunis au sein du groupe. Avec Moët-Hennessy, les entreprises suivantes sont entrées dans le nouveau groupe : Champagne Ruinart, Champagne Moët & Chandon, Champagne Mercier, Champagne Canard-Duchêne, cognac Hennessy. Louis Vuitton, quant à lui, a drainé vers le groupe LVMH les marques suivantes : Givenchy Vuitton Malletier, Champagne Veuve Clicquot Ponsardin. Le club de luxe est prêt. C’est alors que Bernard entre en jeu.
À la faveur du krach du dernier trimestre 1987, il acquiert des actions LVMH. Puis, le groupe étant en quête d’actifs de trésorerie, Henri Racamier qui était PDG de Louis Vuitton demande à Bernard Arnault de prendre davantage de parts dans la société. Mais la société LVMH n’avait pas seulement des ennuis de trésorerie ; il y avait surtout un problème de leadership issu d’une querelle entre les deux grandes maisons et la mésentente entre les deux principaux responsables de Louis Vuitton et de Moët Hennessy. Alain Chevalier, de Moët Hennessy, voulait vendre ses parts, et de son côté, Racamier commençait à ressentir l’inconfort de sa position de minoritaire. Bernard Arnault lance une Offre Publique d’Achat ( OPA) et, tirant profit de l’instabilité qui prévalait, il devint le premier actionnaire. Comme il l‘avait déjà fait une fois, il fait appel à la banque Lazard pour l’aider à accroitre sa participation au capital du groupe. Il sollicitera également le crédit lyonnais. Il parvient ainsi à prendre la direction du groupe. Il devient, par élection à l’unanimité, président du directoire du groupe, au grand dam de Racamier qui a dû voter pour lui, à contrecœur. Il cherchera d’ailleurs par mille voies comment annuler l’OPA de l’habile Arnault, en vain. En mai 1969, la Commission des Opérations de Bourse (COB) ôte à Henri Racamier toute illusion et confirme que l’OPA s’est déroulée à l’écart de toute irrégularité. Bernard Arnault est, de fait, confirmé à la tête du groupe. Il concentre dans ses mains la direction opérationnelle et le rôle d’actionnaire de contrôle.
Une décennie plus tard, la santé financière du groupe est au plus haut niveau, ce qui force l’admiration de tous et la résignation des détracteurs de celui qui avait habilement évincé les deux coprésidents du groupe. Le bénéfice et le Chiffre d’affaires du groupe ont crû considérablement (500%). Le groupe n’a en effet pas cessé de faire des acquisitions, de racheter d’autres sociétés de luxe. Ainsi, en 1988, il rachète la marque féminine de prêt-à-porter et de maroquinerie Céline. Cinq ans plus tard, ce sera le tour d’une marque prêt-à-porter et de maroquinerie masculins, Berluti. Le groupe rachètera la même année Kenzo la marque de parfumerie de luxe et de prêt-à-porter.
Le troisième investissement de cette année sera cependant peut fructueuse : c’est le rachat de La Tribune le quotidien économique et les 150 millions investis partiront en pure perte. Bernard Arnault songe alors, quelques années plus tard, à un autre quotidien, Échos, qu’il acquiert à 240 millions d’euros après avoir cédé le titre du quotidien La Tribune.
Le groupe enchaîne les rachats en rafales : Guerlain, Loewe, Marc Jacobs, Thomas Pink, Sephora, Make Up For ever, La Samaritaine, Fendi, DKNY, Emilio Pucci. Le groupe ne tient pas à oublier sa branche Vins et Spiritueux. Il prend part au capital d’un domaine vignoble bordelais à hauteur de 38%, le Château d’Yquem et deux ans plus tard, il renforce sa position en participant au capital à 64% des actions.
Et puisqu’il n’y a pas mieux que le mariage pour sceller de grandes alliances, c’est au Château d’Yquem que Bernard Arnault mariera sa fille.
Prêt à toutes les expériences et habitué à prendre des risques dans l’investissement, l’homme d’affaires tâtera le terrain numérique, fera quelques investissements grâce à un holding qu’il y dédie : Europ@web. Avec ce holding, il investit dans Liberty Surf boo.com et Zebank. Mais prendre des risques ne signifie en rien devenir téméraire et Bernard Arnault sait ligne les signes du temps. Le krach des valeurs internet de l’an 2000 l’a dissuadé de continuer sur le chemin de l’économie numérique. Il revend ses parts dans les trois sociétés citées ci-dessus, mais investira dans d’autres entreprises comme la firme californienne Netflix (il en est, en fait, le principal investisseur). La tour LVMH qu’il érige au cœur du pays de l’oncle Sam vise justement à réunir toutes les activités déployées par le groupe aux États-Unis en une seule tour, comme pour planter en plein cœur de New York, l’étendard LVMH.
Ces dernières années, le groupe renforce sa position de leader mondial du luxe en diversifiant ses investissements. Le groupe rachète Princess Yachts et prend des parts de Royal Van Lent. Le groupe rachète aussi Loro Piana et Bulgari. Il faut dire que parallèlement, Bernard Arnault a veillé au développement de son propre holding, le groupe Arnault, qui détient des parts dans de nombreux groupes dont Carrefour, Thomas Pink, Le Journal des Finances, De Beers Diamond Jewellers…
« Casse-toi, riche con »
Cette expression, affichée à la Une du quotidien Libération en septembre 2012, amuse tout le monde sauf Bernard Arnault. La polémique est survenue suite à sa demande de nationalité belge. Mais qu’est-ce qui peut pousser un homme de 63 ans à introduire une demande de nationalité ? La réponde est simple. À cet âge, Bernard Arnault songe déjà à sa succession et veut s’assurer que tout se passe pour le mieux après lui. Il ne veut surtout pas que ses héritiers dissoudent le groupe LVMH. Une hypothèse a agité l’opinion publique, celle du montage fiscal pour échapper aux droits de succession français. Mais c’est une hypothèse qui ne tient pas puisque le pacte Dutreil réduit la valeur de ces droits de succession et les rapproche assez des exigences belges en la matière.
En vérité, l’homme d’affaires avait créé en 2008, une fondation de droit privé, ProtectInvest, en Belgique. L’avantage que lui offre cette fondation est triple : impossibilité pendant 10 ans de vendre les titre transmis, le choix de l’héritier qui dirigera les affaires, la nécessité du vote indissociable. Quoi qu’il en soit, en 2013, Bernard Arnault annonce dans une interview à Le Monde qu’il a renoncé à sa demande de nationalité et a insisté sur son attachement à la France.
L’homme d’affaires fera également objet de vives critiques pour avoir montré parfois une proximité ambigüe avec le milieu politique. Le cas le plus souvent soulevé est celui de ses relations avec Bernard Squarcini de la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). En 2012, Bernard Arnault subissait un chantage auquel il voulut mettre un terme. Il négocia alors avec Bernard Squarcini pour que les moyens publics d’espionnage soient affectés à sa sécurité. On ignore si c’est à titre de remerciement pour ce service offert aux frais de l’Etat, mais lorsque François Hollande ne reconduisit pas Bernard Squarcini dans ses fonctions, LVMH le recruta.
La fondation LVMH et mécénat
Au début, il faut le reconnaître, les actions de Bernard Arnault en tant que mécène avait surtout pour but de soigner l’image du groupe qui apportera son soutien à plusieurs expositions d’art en France. La fondation LVMH initiera aussi un prix dénommé « prix LVMH des jeunes créateurs ». Ce prix attribue six bourses aux lauréats d’un concours international d’art. Il œuvrera aussi à la création de la fondation Louis Vuitton qui se consacrera, elle aussi, à l’art contemporain.
Aujourd’hui âgé de 69 ans, Bernard Arnault aura relevé tous les défis, et hissé son groupe de luxe au plus haut niveau. S’il n’est certes pas l’Homme le plus riche du monde, il est le plus riche de la France et la personne qui devrait être la plus fière de lui, c’est sans doute sa grand-mère qui lui avait enseigné comment épargner.